Chapitre 27 Le Chevalier Du Guet

illustration: yukiryuuzetsu

Chapitre précédent

Chapitre XXVII.

Le chevalier du guet

*

– «On joue à la fille et au garçon?».  Catherine s’est levée tôt, les nuits rapetissent comme champignons dans la poêle, elle ne fait plus de feu le matin dans la cuisinière ; elle verse l’eau de la bouilloire électrique sur le filtre à café. Pierre est descendu sans bruit en évitant la marche qui crie, il s’est approché de Catherine doucement par derrière et lui a fait un tout petit baiser dans le cou. Catherine a eu un petit cri de fille. Elle se retourne et Pierre a une secousse et une grimace, de l’eau bouillante a giclé du bec de cygne sur son pied nu, Catherine pose la bouilloire sur la table, s’agenouille et embrasse le pied, se relève, baise sous la chemise le pansement sur la blessure dans le creux, entre le ventre et la cuisse, Pierre tressaille : – « Arrête ! » – « T’aime pas ? » – « Si, mais ça me fait mal en même temps. » Elle se redresse complètement la toile sur la tête et dit : « Je suis un fantôôômm ! ». Elle se découvre le visage et recouvre Pierre en lissant avec le plat des mains le drap blanc sur la poitrine et le ventre. Pierre est encore pâle mais il sourit et elle se sent fille: il est beau, elle l’aime, elle entoure sa taille de ses bras, pose la joue sur sa poitrine et redit :
– «On joue à la fille et au garçon?». Pierre lui caresse les cheveux : – « Qui fait la fille ? Toi ou moi ? ». Ils rient.
– «Si tu préfères on peu jouer à Ulysse.»
– «Oui mais sans les furies sur le chemin de la falaise!» Il réfléchit « mais on n’a pas la mer ici.»
– «Elle arrive!»
– «Qui ça?»
– «Beh, la mer! Elle revient toujours!»
– «Alors on attend qu’elle remonte jusqu’ici?»
– «En l’attendant on ira se promener, au parc, et on jouera aux amoureux. Tu veux bien faire la fille ? »
– « Euh ! J’voudrais faire le garçon de temps en temps si tu veux bien. »
Après la douche Pierre a voulu enfiler le pantalon et il n’a pas su le tirer sur la taille à cause de la blessure, Catherine lui a dit :
– « Tu vois ! Alors ce sera une jupette !Tu feras la fille, tu le fais bien.»
Pierre s’est plaint : – « C’est toujours toi qui fait le garçon ! »
– « Même pas vrai ! T’as oublié que c’est moi qui faisait Fifi brin d’acier ? »
– « Ouè, une garçon manquée ! Ça compte pas ! »
– « Et l’ondine, tu l’as oubliée ?  C’est ton tour ! De toutes façons t’as pas le choix ».
Catherine a apporté la robe mi-courte de sa fabrication, mais Pierre n’a pas non plus pu passer le juste au corps et Catherine lui a enfilé un léger jupon à la place, qui du reste améliore la chute de l’étoffe sur la cambrure des reins. Le haut d’un bikini aurait fait l’affaire pour la poitrine, mais ça ne lui plaisait pas à Pierre et encore moins un vrai soutien-gorge. Ils y renoncèrent et constatèrent devant la grande glace du salon que la silhouette générale n’en était pas affectée, en respirant en haut et en rentrant un peu le ventre c’était même parfait. Pierre s’était lui même ébouriffé la tête après le shampoing et la frisure naturelle s’était épanouie en séchant. Catherine avait soigné particulièrement les cils et lui avait ajusté le masque en tissu fleuri de sa fabrication, mais pas plus :
– « T’es mignonne  » dit elle en se serrant la ceinture, sa ceinture à elle. Elle rabaisse la visière de la casquette, ajuste son masque en tissu pourpre uni et se campe jambes écartées et mains sur les hanches devant Pierre. -« T’es pas mal non plus ! » dit Pierre et ils sortent la main dans la main en sautillant comme deux gosses à la récré :
– « On fait la course ? jusqu’à l’arrêt du bus ! Partez !»
– « C’est pas du jeu, avec ma blessure .»
– « Je te laisse 20 mètres d’avance ! »
– « D’acc ! » Pierre tire le masque et s’élance en ménageant cependant la jambe gauche, sa course en est quelque peu boiteuse, Catherine l’a rattrapé, elle est là, il sent son souffle mais elle ralentit et reste derrière. Pierre arrive le premier, le car vient d’arriver, il est en avance et doit attendre cinq minutes, mais Pierre n’a pu arrêter son élan et il s’est accroché des deux mains à la rampe de montée à l’extérieure de la porte de devant à droite du chauffeur et Catherine du coup s’affale sur Pierre en riant ; le bus même en est un peu secoué et le chauffeur de derrière sa vitre en plexiglas fait : « Holà ! » et puis il voit Catherine et dit : 
– « Tiens, la rescapée de l’attaque nocturne, je t’ai reconnue même avec la casquette, et la fille, c’est pas une fille, c’est ton copain ! J’ai tout compris en lisant le journal. Qu’est-ce qu’elle dirait Irène de ça ? », « Hep Là ! Haut les masques avant de monter ! »
– « Ben quoi ? On fait rien d’mal ! » Ils montent dans le bus, Catherine passe sa carte sur le lecteur, une fois, puis deux.
– « C’est pas réglementaire, tu l’as déjà fait l’autre fois ! Normalement c’est tarif plein pour ton copain. »
– « Même pour les blessés ?»
– « Vas y, passe judopette ! C’est bien parce que t’as sauvé Catherine »
– « Bonjour Clémence ! Alors cette hanche ? » Une dame âgée habillée de gris des pieds au cou et coiffée d’un grand foulard en tissu voilette grise entreprend à son tour l’escalade du car cramponnée des deux mains à la rampe verticale, elle demande au chauffeur :
– « C’est qui ces deux demoiselles ? »
– « Tu n’as pas reconnu Catherine ? Celle avec la casquette !»
– « La petite de Irène? Elle s’habille en garçon maintenant? »
Elle se tourne et regarde dans l’allée, Catherine a baissé le masque, passé les bras autour du cou de Pierre et lui suce le lobe d’une oreille, l’autre ferme les yeux en souriant.
– « Hé beh ! On aura tout vu ! Des filles qui s’embrassent ! Et sans se cacher en plus ! »
Le car traverse la campagne du printemps nouveau né, tout frais, comme étonné d’être là, tendant timidement des boutons verts sur les branches et pleurant quelques larmes jaunes dans les fossés des routes. Ils descendent à l’arrêt du parc, passent la fontaine et se dirigent vers le porche en fer forgé. Deux jeunes joggeurs y pénètrent avant eux en culottes et maillots de sport. Ils ont une belle allure, régulière et comme synchronisée. Catherine les regarde spontanément en jaugeant les foulées. Ils s’éloignent tandis que Pierre et Catherine franchissent l’arche, ils se regardent et baissent leur masque :
– « C’est dommage qu’on ne puisse pas plutôt mettre des loups comme pour les bals masqués ! »
Ça sent le mois de Mai déjà en Avril, on ne voit pas de muguet mais ça sent. Ça piaille dru dans les branches et les pelouses sont animées de petites boules de plumes qui font des bonds raccourcis en se croisant sans se cogner et disparaissant subitement comme les lutins des bois. Les arbres cachent leurs verrues d’hiver sous des habits vert clair encore transparents. Le petit gravier rouge crisse sous les pieds. Les deux coureurs apparaissent au bout de l’allée. Ils ne courent plus mais marchent décontractés en balançant les bras. Pierre et Catherine ont remonté les masques avant de les croiser. Catherine regarde en connaisseuse les jambes d’athlètes et Pierre en suivant son regard tombe sur les mollets, genoux et cuisses du plus jeune, il porte les yeux au visage encore enfantin du garçon qui détourne les yeux en rougissant. Mais les deux s’éloignent. Le plus âgé regarde l’autre et dit :
– « T’as fait une touche on dirait .»
– « Hein ? »
– « T’as pas vu comment elle te regardait la fille ? »
– « C’est pas mon genre » répond l’autre pour jouer l’indifférent « Et puis j’aime pas les nageuses ! Et puis elle a un mec.»
– « Qu’est ce qui te fait dire ça que c’est une nageuse ? D’ailleurs elle a un beau cul.»
– « Hé ! T’as pas vu la carrure ? »
Ils se retournent tous les deux pour voir de loin la fille au beau cul :
elle tient d’un bras le garçon à la renverse en position de déséquilibre et on dirait qu’elle lui roule un patin à la mode parisienne du mois d’août 1944, genre « Libération de Paris ». Le plus grand émet un sifflement :
– « Hé beh ! Serre bien les genoux si t’as à faire à elle ! » « Bon, allez, on court ! »
Ils repartent au trot vers la sortie. Le soir arrive mais il fait encore jour. Avant ils fermaient les grilles le soir, mais plus maintenant. De toutes façons il serait très facile de passer par dessus. Ils ont encore marché dans le jardin désert et sont arrivés au saule rieur, il n’a pas pu se retenir le saule en les voyant arriver, il les a reconnus tous les deux, l’une en garçon et un autre en fille, il en a les larmes aux yeux et se tient les côtes pour ne pas crouler de rire. Mais le couple dévale la pente vers le plan aux cygnes lesquels en se précipitant à l’eau projettent dans le ciel encore clair des gerbes qui retombent en gouttelettes sur l’arbre. Catherine et Pierre ont franchi le rideau vert qui, en s’épaississant, est devenu impénétrable aux regards. Ils sont comme dans une tente d’indien éclairée par le sommet. Pierre a saisi Catherine de nouveau et l’embrasse dans le cou, sur les joues, sur la bouche. Il l’appuie contre l’arbre et lui dit :
– « Attend un peu ! Je vais t’apprendre à faire la fille! Tu vas voir ce que tu m’as fait. Moi aussi je sais le faire ! »
Il lui ouvre les deux boutons à la taille, lui baisse la braguette et aussi son pantalon à la fille et, à genoux, lui fait un baiser sur le mollet, puis le genoux, puis la cuisse, puis dans l’aine et pour finir lui tire le slip et lui passe la langue.
– « Moi je ne t’ai pas passé la langue sur ton zizi ! »
– « Et ben ! Moi non plus ! » Catherine a crié un peu en lui croisant les doigts dans ses cheveux bouclés et lui a mis les mains sous la jupe quand il s’est relevé, elle s’est laissée renverser sur l’herbe en lui tenant les fesses et l’a entraîné sur elle tandis qu’elle écartait bien les jambes pour qu’il ne se fasse pas mal à cause de sa blessure. Un écureuil égaré dans le saule les apercevant s’est demandé : « Qu’est-ce qui s’passe ici si tard ?» La graine que l’animal tenait s’est échappée, a dégringolé les branches, a atterri sur le dos de Pierre et s’est logée au creux des reins, elle y restera toute la nuit malgré le roulis, même que Catherine l’ayant découverte au hasard de ses caresses s’amusera à la faire rouler du bout des doigts. Pierre et Catherine se sont vus dans les yeux et Pierre a dit :
– « Je l’ai jamais fait ! »
– « moi non plus ! Tu m’aimes ? »
– « Oui, je t’aime ! »
– « Dans ce cas vous pouvez passer ! »

*

Lire l’Épilogue

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s